Votre organisation est-elle biaisée entre l’expérience au détriment de la formation?
J’ai récemment été interviewé comme spécialiste du marché de l’emploi par Radio-Canada. L’entrevue portait sur la nouvelle loi qui vient d’entrer en vigueur en Ontario, conçue pour éliminer les obstacles pour les immigrants qualifiés, afin qu’ils puissent continuer de travailler dans leurs professions lorsqu’ils auront choisi de demeurer au Canada.
Dans le passé, les ingénieurs formés à l’étranger devaient avoir de l’expérience canadienne pour obtenir un permis de pratique en Ontario. Maintenant, les organismes de réglementation ont jusqu’au 2 décembre de cette année pour supprimer cette exigence. Professional Engineers Ontario (PEO), qui représente plus de 85 000 membres, a déjà levé cette exigence en raison de l’annonce de cette nouvelle loi.
Le ministre du Travail de l’Ontario, Monte McNaughton, a décrit cette loi comme un « changeur de jeu ». Ce changement aidera à pourvoir jusqu’à 7 000 postes vacants en Ontario.
Le problème entre avoir de l’expérience pour pouvoir travailler, mais vous ne pouvez pas obtenir cette expérience tant que vous n’avez pas l’opportunité de travailler, est un obstacle pour les nouveaux demandeurs d’emploi au Canada dans de nombreux secteurs et catégories.
En tant que recruteurs, nous sommes témoins de la façon dont l’obtention de cette « expérience canadienne » convoitée est frustrante pour les chercheurs d’emploi.
Aujourd’hui cependant, dans le contexte de la pénurie actuelle de main-d’œuvre au Canada, il n’y a plus que les chercheurs d’emploi qui ressentent les effets négatifs de cette problématique, qui est une norme dans les milieux de travail canadiens depuis trop longtemps. Les employeurs le ressentent aussi maintenant, car les postes vacants ne sont pas comblés ce qui égalent les pertes de revenus et de profit pour les compagnies.
De nombreuses entreprises commencent à reconnaître qu’elles font aussi de la discrimination d’expérience versus la formation et cela leur coûte cher. Les iniquités de ces processus séculaires ont une incidence sur les résultats.
Lorsque les médias m’ont demandé ce que je pensais de cette nouvelle qui changeait la donne, j’ai répondu : « Le temps nous le dira. »
C’est une excellente nouvelle de voir évoluer des politiques désuètes. Maintenant, nous devons voir si ces changements seront mis en pratique par les employeurs de façon générale. Ce que je prédis c’est que quelques dirigeants agiront immédiatement sur ces changements, et d’autres surveilleront attentivement pour voir si cela fait une différence.
Je peux affirmer avec certitude que nos clients qui accueillent des chercheurs d’emploi même sans expérience canadienne sont bien en avance sur les autres.
Voici quelques conseils à prendre en ligne de compte lors de l’introspection sur le biais potentiel de votre organisation pour l’expérience plutôt que pour la formation:
- Évaluez votre situation actuelle envers les nouveaux employés : Considérez un instant que vous avez besoin d’un comptable bilingue/français pour votre entreprise. Un professionnel formé et qualifié de France peut être un excellent candidat, mais il n’a pas de connaissances ou d’expérience envers les exigences spécifiques de la paie du Québec. Votre équipe de recrutement écartera-t-elle immédiatement un tel candidat ou explorera-t-elle des façons d’offrir à ces talents une formation spécifique pour le marché québécois? Bien que cette formation puisse coûter de l’argent, combien l’entreprise perd-elle autrement, en argent et en risques, en opérant avec ce poste vacant?
- « Je ne comprendrai jamais leur accent! »: Que vous soyez un interlocuteur natif ou non, si vous avez déjà écouté quelqu’un avec un accent et que vous vous sentez mal à l’aise de ne pas le comprendre, vous n’êtes pas seul. Nos cerveaux sont fait pour entendre et réagir lors de l’écoute de sons familiers. Donc, nous n’entendons souvent pas le message d’une personne lorsque les sons ne sont pas confortables pour nous. Il semble plus difficile de le traiter et de le comprendre – au début. Cette question de compréhension ne dure pas éternellement, et penser qu’elle durera, est un biais que nous devons identifier nous-mêmes. Selon les recherches menées par Kristin Van Engen, professeure agrégée de psychologie et de sciences du cerveau et de linguistique à l’Université Northwestern, les gens s’adaptent très rapidement à la compréhension des « nouveaux » accents, parfois en quelques minutes. De plus, les gens atteignent souvent une plus grande clarté et une plus grande confiance en parlant en quelques semaines ou mois avec de la pratique. Le point le plus important à retenir ici est que les questions de clarté ne durent pas longtemps, si nous prenons l’engagement d’être inclusifs et d’embrasser notre propre inconfort initial. Une question que l’on doit se poser ou à poser à votre organisation est la suivante: pouvez-vous donner un soutien supplémentaire aux professionnels formés à l’étranger par le biais d’un coach de communication, par exemple, au lieu le disqualifier ?
“Tout le monde a un accent. J’ai mon accent et vous avez le vôtre et ils peuvent être différents, mais vous ne pouvez pas ne pas avoir d’accent.”– Dr. Kristin Van Engen, Professeur agrégé de psychologie et de sciences du cerveau et de linguistique, Northwestern University
- Les candidats formés à l’étranger peuvent souvent offrir des perspectives nouvelles, diversifiées et mondiales : votre organisation valorise-t-elle les points de vue mondiaux? Vos gestionnaires en recrutement voient-ils comment les nouveaux arrivants au Canada peuvent apporter de nouvelles idées et de nouvelles perspectives à l’organisation? Aujourd’hui, tant d’entreprises essaient de sortir des sentiers battus et recherchent l’innovation pour vaincre leurs concurrents. Les nouveaux chercheurs d’emploi au Canada peuvent contribuer à cet avantage concurrentiel. Dans le passé, nous avons vu trop souvent que l’expérience internationale, et même l’expérience du bénévolat, n’était pas pondérée en fonction de sa valeur, comparativement à l’expérience canadienne liée à l’emploi. Ces entreprises qui adoptent la formation interne par le biais du mentorat, de jumelage et de partage d’emploi pour fournir un soutien direct à la croissance des nouveaux employés et qui considèrent l’expérience international et le bénévolat, sont celles qui gagnent en bout de ligne. Ils créent des occasions pour leurs employés d’apprendre les systèmes canadiens en cours d’emploi. Nous le voyons dans notre travail tous les jours, et ces clients montent en flèche, surtout compte tenu de la forte pénurie de talents bilingues / francophones au Canada.
Sur le marché du travail d’aujourd’hui, si les candidats potentiels ne cochent pas toutes les cases de la liste de souhaits de votre équipe d’embauche, il est peut-être temps de consulter à nouveau les possibilités de formation qui peuvent aider à combler les lacunes. Si vous avez des postes permanents qui sont restés vacants, le succès de votre entreprise dépend probablement de ce changement d’approche.